Diffusée en 1959, la chanson « Ne me quitte pas » de Jacques Brel bouleverse le public : écrite pour une femme, elle est assimilée à un cri d’amour, témoin d’une sensibilité masculine peu habituée à s’exprimer à l’époque. Pourtant, l’auteur avouera, 7 années après sa sortie, que telle n’avait pas été son intention… Décryptage d’une chanson reprise dans le monde entier sur plusieurs générations.

Le contexte d’écriture

Marié en 1950 avec Thérèse Michielsen, Jacques Brel est le père de trois enfants : Chantal, France et Isabelle. Jamais divorcé, le couple reste ensemble même si Thérèse laisse vivre son mari avec ses nombreuses maîtresses. Parmi lesquelles, il y a Suzanne Gabriello avec qui il entretiendra une relation à partir de 1955. Mais la jeune femme va y mettre un terme, en comprenant que Jacques Brel ne quittera jamais sa femme.

Après cette séparation douloureuse, l’auteur va écrire « Ne me quitte pas », co-composée avec son pianiste Gérard Jouannest. Destinée à une interprète féminine, la chanson est enregistrée avec Simone Langlois en janvier 1959, avant d’être reprise par Jacques Brel en septembre de la même année.

« L’histoire d’un con et d’un raté »

En la chantant sur scène à l’Olympia en 1959, Jacques Brel crie à Suzanne Gabriello son espoir de la voir revenir à lui. Pour lui, les paroles renvoient à « jusqu’où un homme peut s’humilier, je sais que ça peut faire plaisir aux femmes qui en déduisent assez rapidement que c’est une chanson d’amour et ça les réconforte et je comprends bien ça. Mais c’est l’histoire d’un con et d’un raté1 ».

Une chanson construite autour du chagrin, de la faiblesse, de l’humiliation – qui explique pourquoi Édith Piaf disait d’elle qu’« un homme ne devrait pas chanter ça »*, personne ne voulant/devant apparaître comme médiocre et faible.

Une chanson aux nombreuses reprises

Avec les années, la chanson s’érige en un véritable cri d’amour, émanant d’un homme à la sensibilité enfin entendue : « Ne me quitte pas » bouleverse et traverse les frontières et les générations. En mai 2015, elle figure toujours sur le podium des trois chansons préférées des Français, après Mistral Gagnant de Renaud, mais avant L’Aigle noir de Barbara.

Depuis sa sortie, elle a été reprise en France par Barbara en 1961, Sylvie Vartan en 1972, Serge Lama en 1979, Johnny Hallyday en 1984, Juliette Gréco en 1988, Faudel en 1998, Florent Pagny en 2008, Céline Dion en 2012 ou encore Maurane en 2018.

À l’international, « Ne me quitte pas » a connu plusieurs reprises par des chanteurs étrangers (Nina Simone, U2, Sting, Lauryn Hill, Wyclef Jean…), des adaptations dans d’autres langues (par exemple en anglais, sous le titre « If You Go Away »), sans oublier quelques références appuyées dans les sketchs d’humoristes comme ceux de Muriel Robin (La lettre) et Pierre Desproges (L’Ordre).

Plus de 60 années après sa création, « Ne me quitte pas » pourrait encore s’inviter dans votre prochain cours de chant : que ce soit l’aveu d’un homme faible et raté ou son cri d’amour, ses paroles résonnent, encore et toujours, en nous, vous ne trouvez pas ? Son succès international en témoigne !

*Citation : https://www.franceculture.fr/emissions/le-malheur-des-uns/jacques-brel-ou-les-chansons-tristes
Image : Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Brel#/media/Fichier:Jacques_Brel_-_Domino_2.jpg

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